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La balade du petit vairon

Par Henri O. Louwette

La balade du petit vairon

Pour des doigts qui sentent, pensent, et voient.

De William G. Sutherland, racontée par Henri O. Louwette1

Après un cursus en ostéopathie à Paris, à Maidstone et aux États-Unis, Henri O. Louwette a rencontré Alan R. Becker et Anne L. Wales, il a travaillé avec eux, a participé à des cours dispensés par Rolling E. Becker, Fred L. Mitchell, Robert C. Fulford, Viola M. Frymann, et James J. Jealous. Il a notamment traduit : Osteopathy in the Cranial Field – Original Editon de Harold I. Magoun2 et les principaux textes de W. G. Sutherland3, édités sous l’égide de l’Académie d’Ostéopathie de France.

Notre première question concerne votre intérêt particulier pour W. G. Sutherland. Quelle en est l’origine ?

« J’ai choisi William G. Sutherland, tout d’abord parce que j’ai eu l’opportunité de rencontrer certains de ses élèves et d’échanger avec eux à propos des textes du Dr Sutherland que j’avais lu. L’idéal aurait été de pouvoir converser du Dr Still, mais à l’époque, tous ses contemporains n’étaient déjà plus de ce monde. Peut-être ai-je également choisi le Dr Sutherland parce que j’étais fasciné par sa personnalité. Il emprunta un parcours de recherche très rigoureux, tout en s’inscrivant dans la lignée du Dr Still et en considérant l’ostéopathie non seulement comme une science, mais également comme un art. Sa vie est à l’image du chemin parcouru. Ce n’était pas une personne dissertant à propos de son action, il agissait discrètement, et ensuite essayait de transmettre ses découvertes à la profession ; ce point est fondamental. Pour mon étude j’ai choisi comme support les textes du Dr Sutherland ; son langage était plus aisé à appréhender que celui du Dr Still. Pendant plusieurs années, j’ai étudié ses écrits, jusqu’au moment où j’ai estimé maîtriser suffisamment d’éléments structurés, afin de pouvoir en discuter avec ses élèves. Très souvent, lors de ces rencontres, je prenais conscience que je n’avais pas bien compris certains éléments. Il existe une distance certaine entre un texte lu et sa discussion ; cette clarification ne peut être obtenue que grâce aux conversations avec un confrère ayant vécu et exercé avec l’auteur de ce texte ».

Hormis la fameuse anecdote du crâne éclaté dans le bureau du Dr Still, selon vous, qu’est-ce qui a vraiment marqué l’esprit du Dr Sutherland lors de son élaboration du concept crânien ?

« L’intérêt du Dr Sutherland pour le crâne plutôt que pour d’autres parties du corps est dû au fait qu’il s’était posé une question fondamentale sur l’articulation entre l’os temporal et l’os pariétal. Maintenant, tout le monde connaît l’anecdote liée à l’os temporal, semblable aux ouïes d’un poisson, mais je considère plutôt que le Dr Sutherland voulait essayer de transcender une première intuition et appliquer à la sphère crânienne ce qu’il avait compris de l’enseignement du Dr Still. Au cours des douze premières années qui suivirent l’obtention de son diplôme, il ne s’occupa pas particulièrement du crâne. Néanmoins, il conservait toujours cet objectif. Il développait et proposait des techniques plus en adéquation avec les théories du Dr Still. Par ailleurs, il s’appliquait à comprendre ce qui se passait à l’intérieur du crâne.

À ce propos, il est important de réaliser qu’il lui a fallu près de cinquante ans pour parachever le concept crânien. De nombreuses années se sont écoulées entre le moment où le Dr Sutherland fut interpellé par la vision révélatrice de la dynamique de l’os temporal et le moment où il structura sa pensée. Il convient de garder à l’esprit que le Dr Sutherland, lors de ses enseignements, dut protéger le concept crânien et ne put donc partager qu’avec un groupe restreint de confrères ses intuitions sur l’expression de la vie au sein du corps. En même temps, il était essentiel pour lui de transmettre et de promouvoir la continuité de sa recherche sur le concept crânien, fondée sur de solides données, sa parfaite connaissance de l’anatomie et de la mécanique crânienne.

Un problème majeur s’est posé, engendré par la transmission de sa méthodologie précise, il la voulait accessible à tous les ostéopathes. Hélas, certains d’entre eux ont confondu la méthodologie avec ce qui se réalise effectivement dans l’expression du vivant. Il s’agit ici d’un avis personnel, mais je conçois également que, dans un premier temps, le Dr Sutherland ait enseigné à ses élèves les techniques que l’on pourrait qualifier d’externes et qu’une fois seulement ces techniques acquises, il leur permettait de réaliser l’expérience individuelle et particulière des forces vitales agissant au sein du corps ; expérience qui ne peut être réduite à des mots ou à l’exécution d’une technique, celle-ci ne peut être vécue qu’au travers de l’expérience d’un processus thérapeutique avec un patient en particulier. Nous ne savons pratiquement rien de cette transmission méthodologique, puisqu’il n’existe que quelques traces dans les écrits de Robert C. Fulford et de Rollin E. Becker, qui était considéré comme son héritier spirituel.

La personne qui m’a permis d’accéder à une meilleure compréhension des concepts du Dr Sutherland est Anne M. Wales. Elle avait gardé la mémoire de tout ce qui s’était passé et lorsque nous avions une question, nous la posions à Anne M. Wales, afin de savoir ce qu’elle en pensait et, grâce à ses souvenirs, elle nous transmettait exactement ce qui avait été dit, sans ajouter d’interprétation. Mais ce qui était le plus exceptionnel, c’était ce qu’elle faisait passer avec ses mains, ce type de transmission n’a pas besoin des mots ».

Quelle a été l’évolution de la perception des théories du Dr Sutherland ?

« En étudiant les textes du Dr Sutherland, j’ai eu l’impression qu’il était très mécaniste, car il abordait les os du crâne à partir de la première image osseuse qu’il en avait eue. En retraçant son histoire à travers son parcours de chercheur, l’on comprend qu’il mit des mois à démonter un crâne avec une lame de canif, et qu’ensuite il établit un rapprochement avec la structure corporelle humaine générale à partir de sa structure osseuse, mécanique, et d’adaptative. Mais, il devait forcément exister quelque chose pour mettre ce mécanisme en mouvement. Il partit donc du concept d’équilibre entre articulations et ligaments, concept initié et développé par le Dr Still. Il appliqua ensuite ce principe au niveau des membranes crâniennes, puisque l’anatomie confirme que les os sont inclus dans les membranes et que cette configuration génère un soutien plus homogène qui permet de conserver un équilibre constant au sein de la boîte crânienne. Ainsi, il put élaborer le concept des membranes de tension réciproque et affirmer que, quelle que soit la position du crâne, l’équilibre est respecté. Après cette étape, il passa à l’étude de l’intérieur du crâne et il se rendit compte qu’outre le cerveau et le système nerveux central, il y existait également un système liquidien spécial, particulier, spécifique au crâne, alors que dans le reste du corps ce système liquidien de régulation était assuré par le système lymphatique. À cette époque, le concept de la circulation du liquide céphalo-rachidien était reconnu comme tel ; pourtant, ce qu’il ressentait dans ses mains relevait plus d’une fluctuation. Le livre sur lequel le Dr Sutherland se pencha le plus fut, comme pour le Dr Still, celui de la nature et il s’intéressa principalement au mouvement des marées, parce qu’il ressemblait à ce qu’il percevait dans ses mains. Comme le Dr Still, il rechercha également, grâce aux métaphores, comment intégrer tous ces éléments. Il s’efforça de trouver un point de comparaison dans la nature, afin d’illustrer la fluctuation des liquides. Toutefois, il n’avait pas encore découvert l’élément qui déclenchait la fluctuation du LCR et qui initiait le mouvement des membranes et des os. Sa préoccupation principale devint la compréhension de cette puissance, de cette force qui mettait en mouvement ce mécanisme, le maintenait et qui était en mesure de résorber les dysfonctions ou les déséquilibres de manière autonome. Le Dr Sutherland était croyant et il s’inspira, comme le Dr Still, des textes bibliques, mentionna le souffle de vie, expression que l’on retrouve dans plusieurs de ses textes.

À ce point, les choses se compliquent, parce qu’il devient nécessaire de s’interroger sur la signification véritable du souffle de vie. Dans la littérature biblique classique, Dieu transmit son souffle à Adam pour lui donner vie. Pour moi, il s’agit pareillement d’une utilisation métaphorique, illustrative, car tout au long de son existence le Dr Sutherland chercha l’accès au sens des choses, et ses tentatives de compréhension l’obligèrent à affiner de plus en plus sa perception. Mon hypothèse est qu’à partir d’un certain stade perceptuel il devint capable de percevoir avec précision la qualité de la vie, ce que l’on appelle souffle dans de nombreuses cultures (judéo-chrétienne, musulmane, chinoise, etc.). De fait, dans pratiquement toutes les cultures, il est fait référence à ce souffle, il est la manifestation de la vie. C’est un processus que je ne comprends pas, mais je le perçois. Je pense qu’il en était de même pour le Dr Sutherland ; toutefois, à travers sa croyance, il attribuait l’origine de ce souffle de vie à Dieu, mais ce n’est là que sa propre conception et elle ne concernait que lui. Nous disposons de plus d’explications en prenant en considération les textes du Dr Still, qui, plus explicites, parlent du dieu de la nature, ou du grand architecte, ou encore des forces qui régissent l’univers et qui n’appartiennent pas à l’homme. En d’autres termes, ce n’est pas l’homme qui est en mesure de décider de ce qui peut être fait au cours d’un processus de guérison. Le Dr Still et le Dr Sutherland étaient de grands chercheurs, possédant un talent particulier, un don. Nous devons respecter le cadre de leur croyance, car c’est là aussi une façon d’exprimer une admiration et une incompréhension face au mystère de la vie. Pour ma part, cette interrogation sur l’expression de la vie reste un grand mystère. Je ne sais pas ce qui se passe après la mort ; cependant, je n’ai aucune idée préconçue par rapport à cette question. N’ayant pas de croyance religieuse, je laisse l’avenir me surprendre ».

Qu’est-ce que le Dr Sutherland entendait par « visualisation » lors de la palpation ?

« Je pense que c’est un mode de représentation qui lui appartient en propre. Il était effectivement en mesure de visualiser les choses, mais je ne suis pas sûr qu’il les visualisait sur le mode strict de l’anatomie, bien qu’il agençait des cours qu’il appelait : ”La balade du petit vairon” et au cours desquels il invitait ses élèves à parcourir l’anatomie du cerveau, ses cavités et ses espaces interventriculaires. Je ne suis pas convaincu qu’il avait une pure vision des structures anatomiques ; il avait probablement une vision de Visionnaire, au sens où il était probablement apte à comprendre et à voir des choses que d’autres n’étaient pas en mesure de voir. L’important est qu’il ait encouragé ses élèves à visualiser, à se représenter ce qui se passait sous leurs doigts, en énonçant cette phrase célèbre : Des doigts qui sentent, qui pensent, qui voient. La vraie question reste pourtant de savoir ce que nous entendons par Voir. S’agit-il des images familières auxquelles notre système visuel nous a habitués, ou est-ce la capacité de Voir le champ vital à l’intérieur du corps, à l’Imaginer ? Quand nous disons Voir, nous pourrions également utiliser d’autres mots. Voir peut-être ou devenir une autre fonction perceptuelle. Personnellement, je possède une visualisation pauvre, ainsi que nous pouvons la concevoir en termes d’images. Au contraire, je perçois beaucoup de choses avec beaucoup de précision hors de toute représentation imagée, mais lorsque j’accompagne un processus thérapeutique, je deviens en mesure de décrire parfaitement ce qui se passe au niveau anatomique, cependant je ne perçois pas d’images classiques d’anatomie, je perçois l’imagerie d’une structure vivante, qui correspond à une anatomie, mais qui n’est pas celle que je verrais lors d’une dissection anatomique. Comme l’a dit Rollin E. Becker, étudier l’anatomie d’un cadavre c’est comme essayer de percevoir l’énergie d’un arbre en étreignant un poteau téléphonique. Je pense que quand le Dr Sutherland nous invite à développer notre vision, il ne parle pas d’images d’anatomie, mais plutôt de notre capacité à percevoir et à nous représenter les courants vitaux circulant à l’intérieur du corps, ainsi que le système de régulation de ces champs vitaux. J’aime beaucoup ces termes souvent utilisés par Robert C. Fulford : il affirmait que le corps électromagnétique ou corps énergétique est l’appui permettant au champ vital de circuler dans le corps. Le champ électromagnétique n’est donc pas le champ vital. En revanche, il est le champ qui permet à la vie de circuler, lié non pas à l’anatomie, mais plutôt à un élément énergétique. Nous retrouvons cette interprétation dans les cultures orientale ».

Il est dit que le Dr Sutherland n’était pas très expansif avec ses élèves, tandis qu’avec Rollin E. Becker il avait établi une relation spéciale, très étroite. Selon vous, pourquoi ?

« Je ne sais pas, mais je peux vous rapporter ce que j’ai appris de ses élèves. Le Dr Sutherland n’était effectivement pas quelqu’un de très démonstratif. Il essayait d’être aussi proche que possible de ce qu’il percevait et laissait peu d’espace à l’émotivité ; ce que confirme son épouse dans le livre With Thinking fingers (Avec des doigts qui pensent). C’est tout ce que je peux vous dire, et ce n’est là que mon impression. À4 propos de Rollin E. Becker, je peux être plus précis, puisque j’ai eu l’occasion de le rencontrer et de suivre quelques cours avec lui. Il n’était guère loquace. C’était un homme peu expansif et il était difficile de l’approcher. À l’inverse, son frère Alan qui a été mon mentor pendant quinze ans avait un tempérament totalement opposé : il profitait de l’existence, aimait manger, boire, fumer, faire du bateau, jouer aux cartes, rester au soleil, toujours enjoué, affable et dynamique. Ainsi était fait l’homme que j’ai rencontré. J’ai passé beaucoup de temps avec lui. La chose qui m’a le plus impressionné était sa stabilité lorsqu’il traitait un patient et le peu d’influence que le patient pouvait avoir sur sa dynamique de traitement. Je vais vous raconter une anecdote. Sa salle de traitement était très petite, il y avait peu d’espace autour de la table. Lors d’une séance, il devait traiter une petite fille, et ensuite sa mère. Dans le cabinet, étaient présents : Alan, l’enfant, la mère, la grand-mère, et moi-même, réfugié dans un coin, aussi immobile que possible. Il a d’abord soigné la petite fille, sans problème, bien qu’elle bougeait sans arrêt. À la fin du traitement, la petite fille aurait normalement dû sortir avec sa grand-mère pour qu’Alan puisse traiter sa mère. Mais l’enfant ne voulut pas partir. Alan ne s’opposa pas à ce caprice. La mère s’est allongée sur la table de traitement et la petite fille s’est assise sur son le ventre. Tout au long de la séance, elle n’a pas arrêté de mettre ses doigts dans le nez, les yeux de la mère, et tirer sur sa poitrine, personne ne disait rien. J’étais irrité, je bouillais de voir un tel comportement : la mère subissant les agacements de sa fille et Alan restait impassible, concentré sur le crâne. Enfin, le traitement s’est terminé et lorsqu’Alan et moi sommes restés seuls, il m’a dit : « Vous avez vu comment la mère s’est laissée traiter par son enfant ». Je répondis : « J’ai cru que j’allais devenir fou. Pourquoi n’avez-vous rien dit ? ». Il répondit : « Cela ne m’a pas empêché de travailler, ce n’était pas mon problème ». Ce fut pour moi une expérience extraordinaire, qui m’a démontré que si nous sommes vraiment en contact avec le mécanisme, peu importe ce qui se passe autour de nous. À l’époque, dans de telles circonstances, je n’aurais pas été en mesure d’agir de la même façon. Alan R. Becker m’a appris beaucoup de choses, non pas tant sur l’ostéopathie, mais bien sur la vie et le vivant ».

James S. Jealous, D.O. soutient avoir repris fidèlement, avec son approche biodynamique, les concepts originaux du Dr Sutherland. Êtes-vous d’accord ?

« Oui, la raison est la suivante. Les premiers cours du Dr Jealous mentionnent exactement les principes du Dr Sutherland, les principes mêmes, pas la méthodologie, ni l’approche consistant à considérer les paramètres didactiques de flexion, d’extension, de torsion, d’inclinaison latérale. Selon les enseignements du Dr Jealous, le premier geste thérapeutique avec un patient consiste à œuvrer avec le mouvement présent et non pas avec ce que nous imaginons devoir exécuter. C’est vraiment l’élément le plus important. Ensuite, toujours selon James Jealous, le processus thérapeutique est un phénomène en expansion, qui ne s’arrête jamais, mais se limite, de façon naturelle et non traumatisante, grâce à ses structures anatomique, physiologique et métabolique. James Jealous reprend également les principes de Rollin E. Becker. Il convient cependant de mettre en évidence au sein de l’enseignement du Dr Jealous ses contributions personnelles, les plus importantes étant celles sur l’embryologie, en particulier la conception d’Erich Blechschmidt . Les autres éléments révèlent plus la personnalité de James Jealous et cela 5 est très bien, car nous avions besoin qu’un ostéopathe poursuive la recherche dans ce domaine ; nous ne pouvions plus nous cantonner aux seuls écrits du Dr Sutherland ou du Dr Becker. Le terme biodynamique n’appartient pas au domaine de l’ostéopathie. Sa signification indique que la vie est mouvement. C’est une fonction dynamique relative à l’activité de la nature et des facteurs du comportement des êtres vivants. Il est donc exact que James Jealous se fonde sur les vrais principes du Dr Sutherland. Il ne tient pas compte du Cranial Rhythmic Impulse (Impulsion crânienne rythmique), car il s’agit d’un concept qui ne sera utilisé qu’à partir de 1961, donc postérieur au Dr Sutherland. Nous pouvons nous référer à l’article publié par John M. Woods et Rachel H. Woods dans le JAOA. C’est un article intéressant, car l’on découvre à sa lecture que le CRI n’est qu’une 6 interrogation clinique et une hypothèse, pas une loi. Je n’ai jamais compris comment les ostéopathes ont fait d’une interrogation clinique, un dogme, hormis peut-être à cause du désir de fournir des preuves scientifiques au fondement de l’ostéopathie. J’exprime là un avis personnel ».

Comment définiriez-vous le concept de Santé chez le Dr Sutherland ?

« Je pense que le concept de santé du Dr Sutherland ne diffère pas de celui du Dr Still. L’état de santé est d’ailleurs constamment remis en cause, car nous subissons tous les jours des traumatismes physiques, psychologiques, métaboliques, sociologiques et familiaux. Si j’ai bien compris le Dr Still et le Dr Sutherland, leur concept de santé correspond à la capacité de l’individu de retrouver l’équilibre par lui-même, ou s’il est trop perturbé, grâce au soutien ou à la stimulation de ses mécanismes d’autorégulation. Le Dr Still et le Dr Sutherland pensaient qu’aucune force externe n’est nécessaire pour permettre à la santé de s’exprimer si l’on considère le fonctionnement du corps selon les lois naturelles ou divines, et si l’on applique à la lettre ces lois sans vouloir y ajouter de contribution personnelle. En d’autres termes, en se mettant au service des lois de la nature, on peut renforcer ou soutenir la capacité inhérente de l’individu à recouvrer la santé ».

Ce concept de Santé est-il également le vôtre ?

« Oui. Je pense effectivement qu’il faut cultiver le souci de soi. Étant donné que cela n’est pas toujours possible, un soutien ostéopathique externe peut devenir nécessaire. En revanche, si nous étions plus à l’écoute de nous-mêmes, nous adopterions, du moins jusqu’à un certain point, les comportements qui nous permettent de conserver ou de retrouver la santé. Même lorsque cette limite semble dépassée et que l’on imagine que c’est là une cause perdue, nous pouvons toujours avoir recours à un traitement ostéopathique. Personnellement, je considère qu’accompagner une personne vers la mort est un processus vivant, car la mort fait partie de la vie. La Santé pourrait donc équivaloir également à parcourir le chemin vers la mort avec sérénité. Je ne sais comment le Dr Still et le Dr Sutherland sont morts. Par contre, je sais comment Alan R. Becker est mort : il jouait aux cartes et, à un moment donné, il n’était plus là. Je sais également comment Robert C. Fulford est mort : il a quitté, contre avis médical, la clinique où il était hospitalisé pour venir nous transmettre son testament spirituel, c’était lors du jubilé de la Cranial Academy en 1997 à Chicago, j’étais présent. Quarante-huit heures plus tard, il n’était plus. Je suis presque certain que Robert C. Fulford savait qu’il allait mourir, mais il avait encore quelque chose à dire, transmettre son legs. Je ne comprends pas le comportement de certains ostéopathes qui ne prennent absolument pas soin d’eux-mêmes. Comment peut-on travailler en accord avec les lois de l’univers si l’on passe tout son temps à s’intoxiquer, alors qu’au contraire nous devrions le passer à nous désintoxiquer ? Je pense que le Dr Still autant que le Dr Sutherland devaient mener une vie équilibrée et harmonieuse et je le conçois, car c’est ce qui me paraît être le comportement le plus logique. »

Merci, Henri, pour cette belle conversation !

1 Interview réalisée lors du séminaire 25-27/06/2010, organisé par le Collegio Italiano di Osteopatia à Bologna. 1 Retranscription originale corrigée exclusivement pour le style le 27 avril 2022 par Henri O. Louwette.

2 Magoun, Harold I. 2000. Ostéopathie dans le champ crânien, Edition originale, Vannes : Sully, 288 p., ISBN 2 2-911074-26-2.

3 Sutherland, William G. 2002. Textes fondateurs de l’ostéopathie dans le champ crânien, Vannes : Sully, 336 3 p., ISBN 2-911074-42-4.

4 Sutherland, Adah S. 2014. Avec des doigts qui pensent, Vannes : Sully, 192 p., ISBN ISBN 4 978-2-35432-111-6.

5 Blechschmidt, Erich. 2004. Comment commence la vie, de l’œuf à l’embryon, Observations et conclusions, 5 Vannes : Sully, 208 p., ISBN 2-911074-69-6.

6 Feely, Richard A. 2000. Clinique Ostéopathique dans le Champ Crânien, Les Grands Textes Fondateurs, 6 Paris : Frison-Roche, 380 p., ISBN 2-87671-305-5. pp. 95-101 (Découverte physique relative aux troubles psychiatriques – John M. Woods & Rachel H. Woods, Kansas City, Missouri, août 1961.

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